Femme souriante lisant une lettre à son bureau.

Victoire pour les auto-entrepreneurs : l’Assemblée nationale abroge la réforme controversée de la TVA

L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité l’abrogation de la réforme du seuil de TVA pour les auto-entrepreneurs, une mesure qui avait suscité une vive opposition depuis son adoption dans le cadre du budget 2025. Cette décision représente une victoire significative pour les centaines de milliers d’indépendants qui craignaient pour leur avenir professionnel.

Une réforme qui avait provoqué un tollé

Le texte initialement adopté dans le projet de loi de finances 2025 prévoyait d’abaisser considérablement le seuil d’exonération de TVA à 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel, alors qu’il était jusque-là fixé à 37 500 euros pour les prestations de services et à 85 000 euros pour les ventes de biens. Cette mesure, passée relativement inaperçue lors de l’adoption du budget, aurait touché environ 200 000 auto-entrepreneurs qui se seraient retrouvés contraints de facturer la TVA à leurs clients.

Dès sa découverte, la réforme a provoqué une levée de boucliers parmi les auto-entrepreneurs. Laetitia, coiffeuse à domicile, témoignait début février : « C’est une catastrophe ». Beaucoup craignaient de ne pas pouvoir répercuter cette TVA sans perdre des parts de marché et de devoir par conséquent rogner leurs marges. L’application de la TVA (20% pour la plupart des activités) aurait en effet obligé de nombreux auto-entrepreneurs à augmenter significativement leurs tarifs, menaçant leur compétitivité.

Une mobilisation efficace

Face à cette contestation massive, le gouvernement avait d’abord tenté de calmer le jeu en suspendant temporairement la réforme. Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, avait lui-même reconnu que « la réforme proposée ne fait pas l’unanimité, ni pour, ni contre ». Cette suspension avait ensuite été prolongée jusqu’au 1er juin 2025.

La mobilisation des auto-entrepreneurs ne s’est cependant pas arrêtée là. Une pétition lancée par la Fédération Nationale des Auto-Entrepreneurs (FNAE) a recueilli plus de 100 000 signatures en seulement quelques jours. Des manifestations ont également été organisées dans une quinzaine de villes françaises le 25 mars 2025. Cette mobilisation sans précédent a réussi à rallier à sa cause l’ensemble des partis politiques, y compris ceux de la majorité.

L’abrogation votée à l’unanimité

C’est finalement le 2 juin 2025, la veille de l’expiration du délai de suspension, que les députés ont voté à l’unanimité pour l’abrogation pure et simple de cette réforme contestée. Les 277 parlementaires présents dans l’hémicycle ont approuvé la proposition de loi portée par le député Paul Midy du groupe Ensemble pour la République (EPR).

« Je pense aux millions d’autoentrepreneurs dans notre pays (…) un certain nombre d’entre eux dormiront mieux ce soir et c’est une bonne nouvelle », a déclaré le rapporteur du texte après le vote. Il a également souligné la rareté d’un vote à l’unanimité à l’Assemblée nationale, témoignant ainsi du consensus autour de cette question.

Le texte adopté est également rétroactif, prenant effet au 1er mars 2025, ce qui permet d’éviter que l’administration ne puisse réclamer le versement de la TVA pendant la période de suspension.

Quelles conséquences et quel avenir ?

Députés discutant dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

Cette abrogation prive les caisses de l’État de 800 millions d’euros par an, montant estimé des recettes que cette réforme devait générer. Elle révèle également, selon certains observateurs, la difficulté des partis politiques à trouver des compromis pour réaliser des économies, alors que le gouvernement ambitionne de réaliser 40 milliards d’euros d’économies dans le cadre du budget 2026.

Pour que cette abrogation soit définitive, le texte doit encore être adopté par le Sénat. Cependant, tout indique que les sénateurs confirmeront la position des députés. Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises), avait d’ailleurs estimé que si le statut d’auto-entrepreneur pouvait être remis en question après 13 ans d’existence, cela devait se faire de manière concertée et non précipitée sous prétexte d’urgence budgétaire.

Une vigilance qui reste de mise

Malgré cette victoire, de nombreux auto-entrepreneurs restent vigilants. Comme l’a confié l’un d’eux au journal L’insoumission : « Une belle victoire, mais nous restons vigilants jusqu’au PLF (projet de loi de finances) de 2026 »6. En effet, rien n’empêche techniquement l’exécutif de reproposer un texte similaire dans le prochain budget, même si cela s’avérerait politiquement plus difficile après ce rejet unanime.

La ministre des PME, Véronique Louwagie, a par ailleurs prévu de recevoir les groupes parlementaires pour ouvrir des discussions, avec l’objectif d’aboutir à un consensus lors des débats budgétaires de l’automne prochain.

Pour l’heure, les auto-entrepreneurs peuvent donc souffler et continuer à exercer leur activité sans avoir à se préoccuper de l’application de la TVA avant le seuil habituel. Cette abrogation démontre la force d’une mobilisation collective et organisée face à une mesure perçue comme injuste et inadaptée.