Homme en chemise portant une boîte en carton.

Rupture conventionnelle : quand l’entreprise pousse au départ, vos droits expliqués

La rupture conventionnelle s’est imposée dans le paysage du droit du travail français comme une modalité de cessation du contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Initialement conçue comme un accord amiable entre l’employeur et le salarié, elle offre une alternative à la démission ou au licenciement. Cependant, la réalité est parfois plus complexe : que se passe-t-il lorsque cette « convention » masque une volonté unilatérale de l’entreprise d’inciter, voire de pousser, un employé vers la sortie? Comprendre les mécanismes, les motivations et surtout vos droits est essentiel pour naviguer dans ces situations délicates.

La rupture conventionnelle : une porte de sortie négociée ou une stratégie d’entreprise ?

La rupture conventionnelle est un dispositif encadré par le Code du travail qui permet à un employeur et à un salarié en CDI de convenir d’un commun accord des conditions de la rupture de leur contrat de travail. Son objectif premier est d’éviter les litiges potentiels liés à une séparation et d’offrir une solution négociée et équitable pour mettre fin à la relation de travail. Le socle de cette démarche est le consentement mutuel : ni l’employeur ne peut imposer une rupture conventionnelle au salarié, ni l’inverse. Ce principe de libre accord est fondamental et sa remise en cause peut vicier toute la procédure. Certaines entreprises y voient un moyen de gérer les départs en douceur, voire de booster la cohésion d’équipe en évitant des conflits longs et coûteux.  

La popularité de la rupture conventionnelle s’explique en partie par sa flexibilité perçue par rapport aux contraintes d’un licenciement, souvent plus rigide et formel, ou d’une démission, qui prive généralement le salarié de ses droits aux allocations chômage. Cette souplesse, bien que bénéfique dans un contexte de réel accord, peut aussi créer un terrain propice à des incitations moins transparentes de la part de l’employeur. En effet, la perspective pour le salarié de bénéficier des allocations chômage, contrairement à une démission classique , peut être présentée par l’entreprise comme un avantage significatif, voire une « faveur », masquant parfois les véritables motivations de l’employeur souhaitant le départ du salarié.  

Pourquoi les entreprises encouragent-elles la rupture conventionnelle ?

Les raisons qui poussent une entreprise à suggérer ou à encourager une rupture conventionnelle peuvent être multiples, allant de la gestion stratégique des ressources humaines à des motivations moins avouables.

Les raisons avouées : flexibilité et gestion des ressources humaines

Officiellement, de nombreuses entreprises considèrent la rupture conventionnelle comme un outil moderne et flexible de gestion des carrières. Elle permet d’ajuster les effectifs sans la lourdeur d’un licenciement économique (lorsqu’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi n’est pas requis) ou de gérer des situations individuelles parfois complexes, comme une mésentente non fautive entre un salarié et sa hiérarchie, ou encore le souhait de réorientation professionnelle d’un collaborateur que l’entreprise accepte d’accompagner. L’objectif affiché est souvent d’adapter les compétences aux besoins de l’entreprise tout en maintenant un climat social apaisé, en évitant les tensions inhérentes à une procédure de licenciement. L’argument de la prévention des contentieux est également fréquemment avancé, la rupture conventionnelle étant perçue comme un moyen de sécuriser juridiquement la fin de la relation de travail.  

Certaines entreprises intègrent même la rupture conventionnelle dans une démarche de « gestion proactive des carrières ». L’idée est de permettre des départs négociés lorsque le profil d’un salarié n’est plus en adéquation avec la stratégie de l’entreprise ou que ses compétences ne sont plus jugées nécessaires, sans pour autant recourir à un licenciement qui pourrait être mal vécu ou perçu comme stigmatisant. Si cette approche est menée dans un esprit de réel consentement mutuel, elle peut s’avérer constructive. Néanmoins, le risque existe que cette « gestion proactive » ne soit en réalité qu’un euphémisme pour une incitation au départ pour des raisons que l’entreprise préfère ne pas expliciter. De même, l’argument du maintien d’un « bon esprit d’équipe » en évitant les conflits liés à un licenciement peut être sincère, mais il peut aussi servir à justifier un départ souhaité par la direction en le présentant comme une solution bénéfique pour l’ensemble du collectif.  

Les motivations cachées : réduire les coûts ou contourner des procédures

Au-delà des justifications officielles, la rupture conventionnelle peut être utilisée par certaines entreprises comme un moyen de contourner des procédures de licenciement plus contraignantes et coûteuses. C’est notamment le cas pour éviter les obligations liées à un licenciement pour motif économique individuel, ou encore celles, très strictes, relatives au licenciement pour inaptitude qui imposent une recherche de reclassement souvent complexe. Le droit du travail interdit d’ailleurs explicitement que la rupture conventionnelle serve à contourner les garanties offertes aux salariés en matière de licenciement économique.  

La tentation peut également être grande de se séparer de salariés jugés moins performants sans avoir à constituer un dossier de licenciement pour motif personnel suffisamment solide pour résister à une éventuelle contestation prud’homale. La complexité et le risque juridique inhérents à certains types de licenciements (inaptitude, économique individuel) constituent une incitation directe pour les employeurs à privilégier la voie de la rupture conventionnelle, quitte à devoir « convaincre » le salarié. L’objectif est alors de sécuriser le départ tout en maîtrisant les coûts et en minimisant les risques légaux. Cette stratégie peut s’avérer particulièrement tentante vis-à-vis de salariés bénéficiant d’une protection particulière (représentants du personnel, par exemple) ou se trouvant dans des situations où un licenciement serait juridiquement délicat ou risqué, comme un retour de congé maternité ou une maladie non professionnelle de longue durée. Dans ces contextes, la rupture conventionnelle est parfois présentée comme une « solution mutuellement avantageuse » pour masquer une volonté de départ qui émane en réalité unilatéralement de l’employeur.  

L’effet de la hausse du forfait social sur l’indemnité de départ : un frein ou une nouvelle stratégie ?

Depuis le 1er septembre 2023, le régime social de l’indemnité de départ versée dans le cadre d’une rupture conventionnelle a été modifié. L’ancien forfait social de 20% a été remplacé par une contribution unique de 30%, intégralement à la charge de l’employeur. Ce surcoût significatif n’est pas sans conséquence sur l’attitude des entreprises. De manière générale, cette augmentation tend à rendre les entreprises plus réticentes à proposer des ruptures conventionnelles ou à accepter celles initiées par les salariés, en particulier si elles n’y voient pas un intérêt direct.  

Face à cette nouvelle donne financière, certaines entreprises pourraient être tentées d’adopter des stratégies d’adaptation. La négociation des indemnités supra-légales (celles qui dépassent le minimum requis par la loi ou la convention collective) pourrait devenir plus âpre. Paradoxalement, cette hausse du forfait social, qui visait notamment à freiner certaines pratiques de départs négociés avant l’âge de la retraite , pourrait dans certains cas renforcer les incitations « subtiles » au départ. Si une entreprise est fermement décidée à se séparer d’un salarié, elle pourrait exercer une pression accrue pour que la rupture conventionnelle se conclue sur la base de l’indemnité de départ minimale légale. L’objectif serait de limiter l’impact financier global du départ, en compensant le coût additionnel du forfait social par une réduction de la part versée directement au salarié. Ainsi, les entreprises pourraient devenir plus sélectives, refusant plus fréquemment les demandes de rupture conventionnelle émanant des salariés si elles n’ont pas un intérêt propre à ce départ, ou, si elles sont à l’initiative de la discussion, se montrer moins généreuses sur les montants négociés au-delà du strict minimum. Cela pourrait rendre les négociations plus tendues pour les salariés.  

Signaux d’alerte : comment l’incitation à la rupture conventionnelle peut déraper

Sad Bearded Businessman Fired from Work
sad bearded businessman fired from work

Si la rupture conventionnelle est un outil légal, son utilisation peut parfois glisser vers des pratiques abusives. Il est crucial pour le salarié de savoir identifier les signaux d’une incitation qui dépasse le cadre d’une négociation loyale.

De la proposition à la pression : identifier les techniques d’influence

L’incitation à la rupture conventionnelle peut prendre des formes variées, allant de la suggestion bienveillante à des manœuvres plus insidieuses. Les techniques « douces » mais répétées incluent souvent la multiplication des entretiens informels, des allusions fréquentes à une « opportunité de départ » ou à une « solution pour l’avenir ». L’employeur peut mettre en avant les avantages de la rupture conventionnelle pour le salarié, tels que l’ouverture des droits à l’assurance chômage ou la possibilité de se consacrer à un nouveau projet professionnel, tout en omettant de mentionner les inconvénients potentiels ou l’intégralité des droits du salarié. Des phrases comme « Pensez à votre avenir », « Ce serait mieux pour tout le monde » ou « On vous fait une faveur en vous proposant cela » doivent alerter.  

Le contexte dans lequel la proposition est faite est également un indicateur important. Une discussion sur une rupture conventionnelle dans le cadre d’une réorganisation annoncée ou de difficultés économiques avérées peut être légitime. En revanche, des propositions isolées, répétées et insistantes à un salarié spécifique, sans motif apparent ou justification claire, peuvent être le signe d’une volonté de l’entreprise de se séparer de ce collaborateur par des moyens détournés. Les techniques d’influence peuvent jouer sur le sentiment de culpabilité du salarié (« vous freinez l’équipe », « nous avons besoin de plus de flexibilité ») ou sur une fausse perception d’urgence ou d’opportunité unique, le poussant à accepter sans avoir eu le temps d’une réflexion approfondie ou de prendre conseil. Il existe une zone grise entre la discussion légitime sur l’évolution professionnelle et l’incitation abusive. La répétition des sollicitations, l’isolement du salarié lors des discussions, l’absence de propositions alternatives claires (comme le maintien au poste ou un reclassement) sont autant d’indices d’une possible dérive.  

Quand l’entreprise franchit la ligne rouge : harcèlement, menaces et vice de consentement

Lorsque l’incitation se transforme en pression caractérisée, l’entreprise franchit une ligne rouge. Le droit du travail protège le consentement du salarié, qui doit être libre et éclairé. Un vice du consentement, qu’il résulte de l’erreur, du dol (manœuvres frauduleuses de l’employeur) ou de la violence (physique ou morale), peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle.  

Les exemples de pressions illégitimes sont variés : menacer le salarié d’un licenciement pour faute (réelle ou inventée) s’il n’accepte pas la rupture conventionnelle , le dénigrer systématiquement auprès de ses collègues ou de sa hiérarchie, le mettre progressivement « au placard » en lui retirant ses missions ou ses responsabilités, ou encore exercer une pression psychologique intense sur un salarié en situation de fragilité (par exemple, en raison de problèmes de santé ou personnels). Il est important de noter que l’existence d’un différend antérieur entre l’employeur et le salarié n’affecte pas en soi la validité d’une rupture conventionnelle, sauf si ce conflit a été utilisé par l’employeur pour exercer une contrainte sur le salarié et vicier son consentement.  

La jurisprudence est constante sur ce point : un consentement obtenu sous la contrainte, notamment par des menaces de licenciement ou dans un contexte de harcèlement moral, n’est pas considéré comme libre. Une telle rupture conventionnelle peut être requalifiée par les juges en licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire en licenciement nul en cas de harcèlement avéré, avec des conséquences financières potentiellement lourdes pour l’entreprise, incluant le versement d’indemnités de préavis, de licenciement et des dommages et intérêts pour le préjudice subi par le salarié. Pour le salarié, la principale difficulté réside souvent dans la capacité à prouver le vice de son consentement. Les pressions sont fréquemment verbales et insidieuses. La collecte d’éléments écrits (courriels, comptes rendus d’entretiens demandés par le salarié), de témoignages (si des collègues acceptent de témoigner), ou la constatation médicale d’une dégradation de l’état de santé liée à ces pressions deviennent alors des éléments cruciaux pour étayer un éventuel recours. La non-remise au salarié d’un exemplaire de la convention signée est également un manquement grave de l’employeur, car elle prive le salarié de la possibilité d’exercer son droit de rétractation en pleine connaissance de cause et peut être un indice de pression.  

Voici un tableau récapitulatif pour aider à distinguer une négociation légitime d’une incitation abusive :

Négociation LégitimeIncitation Abusive / Pression
Discussions ouvertes, transparentes et respectueuses.Propositions insistantes, répétées, voire menaçantes.
Information complète et claire sur les droits du salarié (indemnités, chômage, délais).Informations partielles, biaisées, ou omission volontaire d’informations cruciales.
Respect des délais légaux (entretien, rétractation, homologation).Sentiment d’urgence créé artificiellement, pression pour une signature rapide.
Possibilité réelle pour le salarié de refuser la proposition sans crainte de représailles.Menaces implicites ou explicites de conséquences négatives en cas de refus (licenciement déguisé, dégradation des conditions de travail, mise à l’écart).
Exploration d’alternatives au départ si le salarié exprime le souhait de rester (maintien au poste, reclassement).Absence de discussion sur des alternatives ; la rupture conventionnelle est présentée comme la seule issue possible.
Le droit du salarié à se faire assister lors des entretiens est clairement énoncé et respecté.Pression pour que le salarié ne se fasse pas assister, ou minimisation de l’importance de cette assistance.
Remise systématique d’un exemplaire de la convention signée au salarié.Non-remise ou remise tardive de la convention signée, empêchant ou compliquant l’exercice du droit de rétractation.
Le consentement du salarié est recueilli dans un climat serein, sans précipitation.Isolement du salarié lors des discussions, dénigrement, ou exploitation d’une situation de vulnérabilité (maladie, difficultés personnelles).

Le droit du travail face aux incitations abusives

partner lawyers attorneys shaking hands after discussing a contract agreement done.

Le droit du travail français a mis en place plusieurs garde-fous pour prévenir les abus et protéger le consentement du salarié dans le cadre d’une rupture conventionnelle.

Le consentement libre et éclairé : pilier de la rupture conventionnelle

Le Code du travail, notamment à travers les articles L1237-11 et suivants, ainsi que la jurisprudence constante des tribunaux, insistent sur le caractère fondamental du consentement libre et éclairé des deux parties comme condition impérative de validité de la rupture conventionnelle. Un consentement « libre » signifie qu’il ne doit pas être entaché par une quelconque contrainte, qu’elle soit physique ou morale. Un consentement « éclairé » implique que le salarié a reçu une information complète et compréhensible sur les tenants et aboutissants de la rupture proposée, notamment ses conséquences financières et ses droits aux allocations chômage.  

L’ensemble de la procédure de rupture conventionnelle – la tenue d’au moins un entretien, la possibilité pour le salarié de se faire assister, le délai de rétractation de 15 jours calendaires après la signature, et enfin l’homologation par l’administration – vise, en théorie, à garantir l’existence réelle et la qualité de ce consentement. La remise au salarié d’un exemplaire original de la convention signée est une formalité substantielle qui participe à cette garantie, lui permettant d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause et de disposer d’une preuve de l’accord. Cependant, l’étape de l’homologation par la DREETS (Direction Régionale de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités), bien qu’étant un contrôle, se fonde principalement sur le respect formel de la procédure et des droits minimaux du salarié, comme le montant de l’indemnité de départ. Il est souvent difficile pour l’administration de détecter des pressions subtiles ou un vice du consentement qui ne transparaîtrait pas explicitement dans les documents transmis.  

Sanctions et nullité : les conséquences d’une rupture imposée

Si le salarié parvient à démontrer que son consentement a été vicié – par exemple, en prouvant qu’il a signé la rupture conventionnelle sous la menace d’un licenciement ou dans un contexte de harcèlement moral – il peut saisir le Conseil de Prud’hommes pour demander l’annulation de la convention. Ce recours doit être exercé dans un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention par la DREETS.  

L’annulation de la rupture conventionnelle pour vice du consentement a des conséquences importantes. La rupture est alors généralement requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans les cas les plus graves, notamment si un harcèlement moral est avéré et a conduit à la signature, la rupture peut être déclarée nulle. Cette requalification ouvre droit pour le salarié à diverses indemnités : l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (si plus favorable que l’indemnité de rupture conventionnelle initialement perçue), une indemnité compensatrice de préavis, et des dommages et intérêts pour licenciement abusif ou nul, dont le montant est évalué par les juges en fonction du préjudice subi.  

Bien que ces sanctions existent et puissent représenter un coût significatif pour l’employeur , la perspective d’une procédure prud’homale, souvent perçue comme longue et incertaine, ainsi que la difficulté inhérente à la preuve de la pression subie, peuvent dissuader certains salariés de contester une rupture conventionnelle qu’ils estiment pourtant imposée. Un employeur peu scrupuleux pourrait parfois « parier » sur cette absence de contestation, surtout si l’indemnité de départ négociée dans le cadre de la rupture conventionnelle est restée proche du minimum légal.  

Salarié : que faire si votre employeur vous pousse vers la sortie?

Face à une incitation de l’employeur à opter pour une rupture conventionnelle, le salarié n’est pas démuni. Connaître ses droits et les exercer est la première étape pour se protéger et, le cas échéant, négocier au mieux ses conditions de départ.

Connaître et exercer vos droits : assistance, délais, information

Le droit du travail prévoit plusieurs garanties procédurales pour le salarié. Il a droit à au moins un entretien avec l’employeur pour discuter des conditions de la rupture. Il est même possible, si le consentement est réellement libre et éclairé, de signer la convention le jour même de cet entretien, bien qu’un temps de réflexion soit souvent préférable.  

Un droit fondamental est celui de se faire assister lors de ce ou ces entretiens. Le salarié peut choisir d’être accompagné par un représentant du personnel de l’entreprise (membre du CSE, délégué syndical) ou, en l’absence de représentants du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié extérieur, choisi sur une liste départementale. Le rôle de cet assistant est d’aider le salarié à comprendre les enjeux, à poser les bonnes questions et à s’assurer que ses droits sont respectés. Le salarié doit informer son employeur de son intention de se faire assister avant l’entretien.  

Après la signature de la convention de rupture conventionnelle, les deux parties disposent d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires. Ce délai commence à courir le lendemain de la date de signature. Durant cette période, le salarié (ou l’employeur) peut revenir sur sa décision sans avoir à fournir de motif, en informant l’autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Le salarié a également le droit de recevoir une information claire et complète sur les conséquences de la rupture, notamment en ce qui concerne ses droits aux allocations chômage. Enfin, la remise d’un exemplaire original de la convention signée est impérative. La connaissance et l’exercice de ces droits procéduraux constituent la première ligne de défense du salarié. En exigeant, par exemple, un délai de réflexion avant de signer ou en informant l’employeur de sa volonté d’être assisté, le salarié peut déjouer certaines tentatives de pression ou de précipitation. Bien que la demande de rupture conventionnelle puisse être formulée oralement , il est crucial pour le salarié de chercher à formaliser par écrit les échanges importants, les propositions reçues et, bien entendu, d’exiger son exemplaire de la convention. Ces écrits peuvent constituer des éléments de preuve précieux en cas de litige ultérieur.  

La négociation de votre indemnité de départ : ne pas sous-estimer votre valeur

L’un des enjeux majeurs de la rupture conventionnelle pour le salarié est le montant de l’indemnité de départ. La loi fixe un plancher : cette indemnité ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement, ou à l’indemnité prévue par la convention collective applicable à l’entreprise si celle-ci est plus favorable au salarié.  

Ce minimum est calculé en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et de son salaire de référence. Il est crucial de comprendre que ce montant n’est qu’un minimum. Une négociation est non seulement possible mais souvent attendue, en particulier si l’initiative du départ vient de l’employeur, même de manière indirecte. Plusieurs arguments peuvent être avancés par le salarié pour négocier une indemnité supra-légale : son ancienneté, la qualité de son travail et ses performances, les difficultés qu’il pourrait rencontrer pour retrouver un emploi (âge, spécificité de ses compétences), le contexte économique de l’entreprise (si elle est en bonne santé), le coût qu’un licenciement (potentiellement conflictuel) représenterait pour l’employeur, ou encore la volonté de l’entreprise d’éviter un contentieux. Si l’employeur incite fortement au départ, cela signifie généralement qu’il a un intérêt certain à cette rupture. Ce « besoin » de l’employeur devient alors un levier de négociation important pour le salarié, non seulement sur le montant de l’indemnité de départ, mais aussi sur d’autres conditions de sortie comme la date effective de départ, la dispense d’activité pendant un éventuel délai, ou le financement d’une formation. Avec la hausse du forfait social à 30% sur l’indemnité , l’employeur évalue désormais le « coût total » du départ. Le salarié doit en être conscient : une demande d’indemnité supra-légale très élevée pourrait se heurter à une résistance accrue. Néanmoins, une demande raisonnable et solidement argumentée reste tout à fait possible, surtout si elle permet à l’employeur d’éviter des coûts encore plus importants (ceux d’un licenciement économique avec toutes ses obligations, ou les aléas d’un procès prud’homal).  

Voici un tableau simplifié pour comprendre le calcul de l’indemnité de départ minimale légale :

Ancienneté du SalariéCalcul de l’Indemnité Minimale Légale
Jusqu’à 10 ans(1/4 de mois de salaire brut de référence) x (nombre d’années d’ancienneté)
Au-delà de 10 ans[(1/4 de mois de salaire brut de référence) x 10] + [(1/3 de mois de salaire brut de référence) x (nombre d’années d’ancienneté au-delà de 10 ans)]
Salaire de référenceLe plus élevé des deux montants suivants : <br> – Moyenne mensuelle des salaires bruts des 12 derniers mois précédant la rupture. <br> – Moyenne mensuelle des salaires bruts des 3 derniers mois précédant la rupture (primes et gratifications exceptionnelles ou annuelles prises en compte au prorata).
Exemple (pour un salaire de référence de 2400€ brut) :
5 ans d’ancienneté(2400€ / 4) x 5 = 3000€
12 ans d’ancienneté[(2400€ / 4) x 10] + [(2400€ / 3) x 2] = 6000€ + 1600€ = 7600€

Note : Les années incomplètes sont prises en compte au prorata. En cas d’application d’une convention collective, celle-ci peut prévoir un calcul plus favorable.

Le droit de refuser : la rupture conventionnelle n’est pas une obligation

Portrait of businessman holding box of personal belongings being fired from work.

Il est essentiel de le rappeler avec force : le salarié a le droit absolu de refuser une proposition de rupture conventionnelle émanant de son employeur, sans avoir à fournir la moindre justification. La rupture conventionnelle repose sur le principe du « commun accord » ; elle ne peut être imposée par aucune des parties.  

Si le salarié refuse, plusieurs scénarios sont possibles. L’employeur peut simplement abandonner son idée de rupture. Si l’employeur avait des motifs légitimes pour envisager une rupture du contrat (par exemple, une faute du salarié ou des difficultés économiques réelles justifiant une réorganisation), il pourrait alors s’orienter vers une procédure de licenciement. Dans ce cas, il devra impérativement respecter la procédure légale correspondante (convocation à un entretien préalable, notification motivée du licenciement, etc.) et le salarié bénéficiera des droits associés à ce type de rupture (indemnités spécifiques, préavis, etc.). Il est important de souligner qu’un refus de rupture conventionnelle ne constitue jamais une faute de la part du salarié. Le droit de refus est l’arme principale du salarié face à une incitation qu’il ne désire pas ou qu’il juge abusive. Le simple fait pour le salarié de manifester clairement qu’il peut dire « non » peut suffire à modifier la dynamique de la discussion et à contraindre l’employeur à revoir sa position, à justifier plus clairement sa démarche, ou à améliorer significativement sa proposition. Cependant, refuser une rupture conventionnelle peut comporter un risque si l’employeur dispose effectivement de motifs valables pour un licenciement (par exemple, une faute grave ou une insuffisance professionnelle avérée). Avant de prendre une décision, le salarié a donc tout intérêt à évaluer objectivement sa situation, si possible en sollicitant un conseil juridique extérieur.  

Agir en cas d’abus : les recours pour faire valoir un vice du consentement

Si, malgré tout, une rupture conventionnelle a été signée et que le salarié estime que son consentement a été vicié par des pressions, des menaces, des manœuvres dolosives ou un harcèlement de la part de l’employeur, il dispose de recours. Comme mentionné précédemment, il peut saisir le Conseil de Prud’hommes dans un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention par la DREETS pour en demander l’annulation. La procédure prud’homale débute généralement par une phase de conciliation obligatoire ; en cas d’échec, l’affaire est portée devant le bureau de jugement.  

Pour obtenir gain de cause, le salarié devra apporter la preuve du vice de son consentement. Cela peut passer par la production d’écrits (courriels, lettres, comptes rendus), de témoignages de collègues ou d’anciens collègues (bien que souvent difficiles à obtenir), de certificats médicaux attestant d’une dégradation de son état de santé en lien avec les pressions subies, ou de tout autre élément pertinent. Dans ce type de démarche, l’assistance d’un avocat spécialisé en droit du travail ou d’un défenseur syndical est très fortement recommandée pour constituer solidement le dossier et défendre au mieux les intérêts du salarié. Il est judicieux, même si le salarié finit par signer la convention sous la contrainte, de commencer à constituer un dossier (dater précisément les événements, conserver tous les échanges, noter les noms de témoins potentiels) avant même la fin du délai de rétractation et l’homologation. Les souvenirs s’estompent et les preuves peuvent disparaître avec le temps. Une documentation rigoureuse et précoce est donc essentielle. Enfin, il ne faut pas oublier que le délai de rétractation de 15 jours calendaires après la signature constitue une première et précieuse fenêtre d’action. Si le salarié réalise, après avoir signé, qu’il a cédé à une pression inacceptable, se rétracter est une démarche plus simple, plus rapide et moins coûteuse qu’une action prud’homale ultérieure. C’est un droit absolu qui ne nécessite aucune justification.